Abarka

Le pont de Licq

Le pont de LicqDepuis longtemps les gens de Licq désiraient avoir un pont sur le gave. Mais l'endroit était dangereux et personne n'osait l'entreprendre. Un beau jour, ils convinrent d'en charger les lamiñak. Ils les mandent au village et exposent leur embarras.

-" Nous ferons votre pont, dirent les lamiñak, et en bonne pierre de taille, dans la nuit de demain, avant que le coq ait chanté, mais sous une condition.
-" Quelle est, dirent les Licquois, votre condition ?"
-" Vous nous donnerez en paiement la plus belle fille de Licq".

C'était un grand crève-cœur pour les Licquois de livrer la plus belle de leurs filles; mais ils étaient obligés d'en passer par là et ils acceptèrent. La nuit suivante les lamiñak se mirent à l'oeuvre. Or tout le monde sait bien qu'en tout pays les belles filles ne manquent pas d'amoureux. La belle fille de Licq avait aussi le sien. Averti de ce qui se passait, l'amoureux vient à la brune se poster près de l'endroit où travaillaient les lamiñak, et il voit avec terreur que du train dont ils y vont, la besogne sera terminée avant la moitié du temps fixé. Le coeur malade, pris d'une sueur froide, il s'ingénie et trouve enfin une ruse. Il se dirige vers un poulailler, en ouvre doucement la porte et, avec ses mains, simule le bruit des quatre ou cinq coup d'ailes que donne le coq avant de chanter. Le coq se réveille en sursaut, craignant d'être en retard, et crie:

-" Coquerico".
Il était temps. Les lamiñak avaient soulevé la dernière pierre à moitié de sa hauteur. Au chant du coq, ils la jetèrent dans l'eau et avec grand bruit s'échappèrent en disant:

-" Maudit soit le coq qui a jeté son cri avant l'heure".
Depuis, disent les anciens, personne n'a pu faire tenir dans la place vide ni cette pierre ni d'autres.

tiré de "légendes & récits populaires du pays basque"
de Jean François CERQUAND Editions Aubéron

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